A L'OMBRE DE TAHA HUSSEIN

UN CITOYEN QUI S'INTERESSE A LA MARCHE DU SIECLE

vendredi 4 mars 2011

« L’HOMME RÉVOLTÉ »…









Lorsque Albert CAMUS a choisi ce titre pour décrire « une situation particulière », il était loin d’imaginer que ce choix allait faire florès (et de quelle manière !) dans un monde arabe qu’il connaît bien, à travers son Algérie natale…

Combien sont-ils ces hommes révoltés, tout autour de la Méditerranée ? Pourquoi précisément en cette région du monde ?
Quel raison spécifique rend ce soulèvement spontané, légitime ?
Existe-t-il dans l’histoire récente (ou ancienne d’ailleurs !) un exemple similaire par son ampleur et sa propagation?

Autant de questions lancinantes qui demeurent sans réponses.

Ce qui nous ramène à une autre inévitable question: POURQUOI CE GRONDEMENT POPULAIRE, DANS LE MONDE ARABE EN PARTICULIER?




Je crains de dire une « vérité choquante » : L’Orient Arabe était "frappé de paralysie physique" et de torpeur mentale jusqu’à ce que, par un sursaut salutaire, un jeune diplômé chômeur, (Tunisien de son état), Mohammed BOUAZIZI en l’occurrence, en s’immolant par le feu pour réclamer plus de dignité et de justice de la part du Pouvoir, nous a flanqué à nous tous une gifle sonore et salvatrice, qui du coup, nous a réveillé d’un sommeil centenaire (à peine exagéré)!

L’Orient Arabe, malgré « les siècles de lumière qu’il a initiés et partagés plus tard avec l’Occident (du 11ème au 18ème Siècle de notre ère) a toujours été dirigé par des « Pouvoirs centralisés », tantôt despotiques, tantôt éclairés, mais toujours totalitaires, et avides de Prestiges et de signes somptueux et grandiloquents dans l’exercice de leur Autorité !

Quitte à déposséder les citoyens (sujets?) de leur dignité, de leur droit au savoir, de leurs biens mêmes… pour assouvir leur propre boulimie d’hégémonie absolue!

Et cela n’a pas changé depuis l’avènement du Khalifa Mouawya, qui a le premier introduit les méthodes despotes de prise du Pouvoir par la force (et les manigances politiciennes) ainsi que la notion du « Prestige » dans l’exercice du Pouvoir. Et bien que la  Civilisation Andalouse  a ouvert des brèches dans la manière de gouverner (en associant des intellectuels, des savants, des scientifiques etc… à leurs diwans) l’Orient Arabe est vite retombé (après la vague de colonisation) dans le despotisme le plus absolu, et les diverses occupations étrangères (qu’il a subies) n’y ont rien changé !!!

D’où vient alors ce mal endémique ?!

Et pourquoi sommes-nous taraudés par cette légitime question :

L’ISLAM EST-IL INCOMPATIBLE AVEC LA DÉMOCRATIE ?

 Est-ce que les « despotes musulmans » ont compris le sens de « l’Islam » dans son interprétation la plus "fermée" à savoir la  soumission, et l’ont appliqué (au pied de la lettre) dans l’exercice de leur Pouvoir ?

 Ou bien, ce sont les peuples qu’ils dirigent (tenus sciemment dans l’inculture et l’ignorance) qui sont coupables d'indolence et de servililité envers l’Autorité qu’ils assimilent à tort comme l'émanation d'une volonté divine ?

Mais cela justifie-t-il ce basculement spontané de tout un monde ? Et pourquoi maintenant?

Ce serait bien naïf de vouloir asséner des « vérités » toutes faites, sur des sujets qui prennent leurs racines dans l’histoire, la culture, la psychologie, les mentalités profondes des peuples que les frontières séparent, mais qui souffrent de mêmes maux liés à leur condition de vie quotidienne.

Néanmoins, je pense comme le dit si bien l’adage populaire : « quand on tire trop longtemps sur une corde, elle finit par céder ».

Et comme le Monde Arabo-musulman est régi par le même type de Pouvoir absolu depuis des lustres, il a fini par « craquer » en même temps… et c’est tant mieux !

Maintenant, quelle issue à ces soulèvements successifs, et quel avenir ?

Premières remarques :

• Le mouvement n’est pas terminé !


   

• Alors que la Libye s’enfonce dans le chaos (par la folie meurtrière de son paranoïaque président), le Qatar, le Yémen, le sultanat d’Oman, la Syrie, la Jordanie, (et plus près) l’Algérie et le Maroc sont sur le chemin…



Y mettraient-ils plus de légalité et de discipline pour éviter des débordements condamnables ? Rien n'est moins sûr!

• En Tunisie (porte-flambeau du mouvement) suivie de l’Egypte (pièce maîtresse sur l’échiquier du Moyen-Orient) toutes les deux encore « engluées » dans les invectives et l’amalgame (à part quelques signes ténus de patriotisme), rien de fondamental n’a émergé encore de leurs révoltes.

• Où sont les partis politiques pour encadrer «les protestataires» ?

• Où sont les intellectuels de ces pays pour débattre sur les « grandes idées » qui devraient marquer le « renouveau » souhaité par les manifestants ?

• Où sont les magistrats et les juristes de haut niveau pour élaborer les nouvelles lois relatives aux élections à venir et la rédaction d’une nouvelle constitution – régissant les nouvelles lois fondamentales de la Nation – à soumettre aux suffrages universels ?

 Quant à la Libye, la tâche parait insurmontable (6.000 morts estimés à ce jour !) pour venir à bout du « monstre psychopathe » qui la dirige, et qui menace d’exterminer la population (s’il le fallait, pour garder le pouvoir !)




 Envisager une intervention militaire extérieure (pour déloger le bourreau barbare !) pourrait être la bienvenue (pour arrêter le massacre) mais de qui ? (surtout pas des américains !) Le Conseil de Sécurité ? L’OTAN ? La Ligue Arabe?...





Laquelle de ces organisations est plus apte à agir dans la légalité, avec comme objectif  la recherche des solutions justes, dans la neutralité et la pondération requises, face à la complexité des situations ?...Et quand bien même, arrivera-t-elle à résoudre les conflits en présence (des clans sans foi ni loi, nés du chaos ambiant) sans effusion de sang ?

D'autre part, on voit bien que tous ces mouvements de foules, réclamant plus de droit et de justice sociale, ne sont encore que des balbutiements, des prémices d'espoir. Un tel climat d'incertitude est-il compatible avec l'intervention d'une Organisation même universellement reconnue, et  quelque que soit la légalité et la crédibilité dont elle peut se prévaloir auprès de l'opinion :  rien ne garantit avec certitude une issue rapide et  salutaire.

Et le Maroc dans tout cela ?

Je suis de ceux qui restent persuadés que le Royaume dispose déjà de plus de réformes et recèle de plus de potentialités que les autres pays Arabes. Même si nos potentialités sont encore plus structurelles (pérennité de l’Etat) que financières (ressources minières).

Je considère toutefois, qu’en raison même de ces apparents inconvénients il doit et peut mieux faire…et le plus tôt serait le mieux !

Et c’est là où je me mets à rêver… en pensant à « L’Homme Révolté »… et en me disant :

ET SI L’ENVIE DE SE « RÉVOLTER » RATTRAPE NOTRE SOUVERAIN ? COMME TOUT UN CHACUN ?

 Se révolter contre un « système » légué par son père où " l’ivraie » est plus envahissante que la « bonne graine » ;

 Contre un Makhzen rongé par la corruption, les malversations et la gabegie, "qui le caresse dans le sens du poil" et veille à l'isoler du Peuple ;

 Contre une proximité de courtisans serviles et hypocrites qui, usant injustement de la protection royale, sont devenus rapaces et mégalomanes.

 Contre une justice malade d’une coupable incurie. Et ignorant jusqu’à la moindre petite parcelle du mot « Équité » ;

 Contre un système sécuritaire (police et gendarmerie) basé sur la répression, le déni du respect humain, l’extorsion et la corruption;

 Contre un appareil éducatif, vidé de sa substance éducative qui est « la culture » dans son sens large, et abandonné entre les mains de « petites gens » sans culture ni sens patriotique ni ambition ;

 Contre un service de santé publique obsolète quand il n'est pas "virtuel" ;

 Contre des politiciens véreux, et un "gouvernement de guignols", indolent et sans ambition (sauf celle de s'incruster dans leur fonction), incapable de répondre concrètement aux attentes des citoyens.

Alors, ce même souverain, prenant son courage à deux mains (devant l’immense chantier de réformes nécessaires à la survie et la pérennité de sa dynastie), et soucieux de préserver son autorité face aux soubresauts qui agitent son pays d'abord, et le Monde Arabe dans son ensemble, donc, prenant conscience de la gravité de la situation, le Roi Mohammed VI décide d’annoncer à ses citoyens, les changements substantiels et radicaux qui s’imposent à lui. Et dans un discours sobre, concis, et volontariste à souhait, il décide de:


   

*Changer de gouvernement et dissoudre les deux chambres ;

* Réformer certains articles de la constitution (relatifs aux modes de gouvernance, à la liberté d’opinion et de la presse, aux droits de l’homme et de la femme, au système judiciaire et aux lois relatives aux modes de scrutins et aux votes, aux libertés fondamentales des citoyens et leurs droits à un enseignement probant et une égalité des chances et des traitements devant l'Administration...)

* Fixer la date des prochaines élections législatives;

* Supprimer la 2°chambre du système parlementaire marocain;

* Annuler la validité de certains partis politiques qui n’ont aucune légitimité;

* Exiger des partis restant , de vrais plans d’actions, concrets et chiffrés pour affronter les prochaines élections;

* Annoncer une amnistie pour tous les prisonniers pour délit d’opinions, et suspendre les sanctions judiciaires qui frappent les journalistes et les représentants des médias;

Enfin, après la formation du nouveau Gouvernement (issu des résultats des urnes) et l’installation du nouveau Parlement (résultat des élections libres et transparentes), annoncer solennellement au peuple sa décision, conformément à la réforme de l’article 19 de la Nouvelle Constitution, de déléguer une partie de ses pouvoirs au Gouvernement (pour gouverner et être responsable devant le Parlement) et au Parlement (pour légiférer et être responsable devant les électeurs)


  

  
Ainsi, le régime de Monarchie Constitutionnelle propre au Maroc prendra toute sa valeur aux yeux des citoyens, qui seraient devenus mûrs pour jouir d’une véritable démocratie qui était inscrite dans leur esprit comme objectif à atteindre depuis l'indépendance, et qui vient d’être mis en œuvre sous le Règne éclairé de Mohammed VI.

Est-ce un rêve impossible, voire une utopie de penser que M6 est capable de prendre de telles décisions dans le contexte actuel, où le « Printemps Arabe » semble se propager et connaître parfois des débordements inacceptables (quand ils ne sont pas tragiques), sous les caméras du monde entier? Et alors que les « regards» des pays Européens (amis du Maroc) sont rivés sur le « Royaume présumé stable » encore tétanisé par les événements ?


   

N’est-ce pas dans la logique des choses, et dans le même élan suscité par le « Mouvement du 20 Février », que Mohammed VI, initiateur de la Moudawana (sur les nouveaux droits de la femme au Maroc), de l’INDH (pour la lutte contre la pauvreté), des Grands Travaux (pour la création des emplois) pour ne citer que les actions les plus marquantes du Roi, soit en mesure de prendre des initiatives encore plus hardies, non seulement dictées par « le climat environnant qui réclame le changement» mais surtout compatibles avec « l’air du temps qui aspire à plus de Liberté et de Justice sociale» ??

Ou bien je me trompe, ou bien « L’homme Révolté » peut parfaitement être incarné par un Roi jeune, populaire, plein d’énergie et d’affection pour son peuple (qui le lui rend bien !) et devant le vaste déferlement du Printemps Arabe, préfère prendre de l’initiative , et offrir à son peuple des réformes auxquelles il aspire depuis si longtemps ! Et ce Roi ne peut être que Mohammed VI !

Peu importe s’il faut du temps pour que ces réformes prennent corps dans le pays. L’effet d’annonce que cela produira suffit à soulager la tension populaire, et à susciter une redynamisation de notre système politique, susceptible de rétablir l’Homme Marocain dans ses droits légitimes, dans sa dignité, et lui restituer sa liberté d’expression…toutes « choses » nécessaires dans un État de Droit, reconnu et respecté dans le concert des Nations !

Je ne veux pas clore ce post sans vous proposer ces quelques citations (qui me semblent être d’actualité, dans ce Monde Arabe en révolte), tirées du roman « L’homme révolté » d’Albert Camus :

 "Ce qu'on appelle raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir."

"La révolution consiste à aimer un homme qui n’existe pas encore"
"Parler de ses peines, c’est déjà se consoler." 
"La logique des passions renverse l’ordre traditionnel du raisonnement et place la conclusion avant les prémisses." 
"La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent." 
"La liberté, seule valeur impérissable de l’histoire" 
"Toutes les révolutions modernes ont abouti à un renforcement de l’Etat." 
"Ce n’est pas la révolte en elle-même qui est noble mais ce qu’elle exige."
Et si pour la première fois dans l’histoire, « l’homme révolté » vient du sommet de l’Etat, et non de sa base ! C’est peut-être là où il faut aller chercher la « spécificité marocaine » !

2 commentaires:

  1. Je te trouve trop optimiste quant au réformisme du chef de l'Etat, eu égard au contrôle total exercé sur le processus de réforme et à la répression d'une manifestation pacifique aujourd'hui à Casa...

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  2. Certes, je suis optimiste; j'ai vécu des "événements" par le passé (qui ont failli me coûter la vie) et m'ont appris à souhaiter des réformes pacifiques et abhorrer la violence (sous toutes ses formes). je préfère accorder un préjujé favorable au train de réformes annoncées, et attendre le résultat des débats qui vont suivre (et les propositions qui en découleront) pour juger "sur pièce",et si d'aventure cela ne correspond pas aux promesses (attendues de ces réformes), alors on passera à la 2eme "mi-temps"!

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