A L'OMBRE DE TAHA HUSSEIN

UN CITOYEN QUI S'INTERESSE A LA MARCHE DU SIECLE

jeudi 21 mars 2024

 


Mon fils qui adore les livres (et qui ne s’en prive pas quand il nous rend visite à Casa) est tombé sur une vraie perle : « J’ai couru vers le Nil » de l’Egyptien Alaa Aswany.

Il a eu la délicatesse, me connaissant bien, de « l’oublier », quand il rangeait ses affaires dans ses valises pour son retour dans son pays de résidence… lointain.

Comme l’auteur égyptien n’est pas à son premier succès (« L’immeuble Yacoubian », « Chicago », « J’ai voulu être Egyptien » etc…), et comme l’éditeur « Actes Sud » est connu pour avoir la « main heureuse » dans le choix de ses publications, j’étais tenté de me plonger dans sa lecture, malgré l’épaisseur du volume… J’avoue que je n’étais pas déçu, loin s’en faut.

Que dire ? C’est l’Egypte de 2011, avec la Révolution qui enflamme une Place Tahrir qui n’a jamais porté si bien son nom, et une destitution quasi improbable d’un Hosni Moubarak en fuite, laissant le pays dans une situation chaotique…

Mais en dehors de ces soubresauts totalement inédits dans une Egypte tenue jusque là de main de fer par un Raïs aveuglé par un Pouvoir sans concession, miné par l’oppression et la corruption, c’est la description chirurgicale (par Alaa Aswany au sommet de son art) d’une société égyptienne que l’auteur connaît bien dans ses moindres replis : conservatisme exacerbé, islamisme rampant, emprise militaire sur les principaux leviers de commande, une jeunesse étudiante en ébullition et en quête d’une modernisation des institutions du pays qui reste paralysé par une chappe de plomb islamiste, et le règne sans partage d’une clique militaire assoiffée de pouvoir et des privilèges qui vont avec…

Et, comme une onde de romantisme (qui ne manque pas de piquant !) qui traverse le livre de bout en bout (au-dessus des foules déchainées manifestant leur hostilité à un régime décadent, et des ripostes violentes des forces de sécurité), un échange de messages par courrier électronique entre un couple de jeunes étudiants engagés dans cette Révolution en marche : lui, ingénieur dirigeant une usine appartenant à un « capitaliste » italien, et dont les ouvriers ont décidé de se solidariser avec le mouvement contestataire qui secoue le pays, en déclenchant une grève, elle, étudiante en médecine, fille rebelle d’un Général impliqué dans la riposte violente contre les foules manifestantes de la Place Tahrir…  

Je ne peux pas vous en dire plus : si vous êtes comme moi, nostalgique de cette brillantissime Egypte qui a bercé notre enfance et même notre adolescence par ses belles musiques lancinantes, ses chanteurs de grand talent qui ont immortalisé la chanson arabe à travers le monde, ses productions cinématographiques de très belles factures, sa prestigieuse presse, ses grands auteurs iconiques d’une littérature et d’une poésie arabes d’une richesse inégalable (qui ont subjugué des générations entières de fans, et qui continuent encore à nous subjuguer), et son dialecte arabe « musical » diffusée par l’inoubliable « Sawt al Arabe », cette Egypte qui nous a fait tant rêver et que nous regrettons beaucoup aujourd’hui de la voir sombrer dans la décadence, si donc vous gardez encore un zeste de nostalgie pour ce que fut cette Grande Nation, courez vite chez votre libraire pour commander sans plus tarder cette magnifique et captivante œuvre de Alaa Aswany : « J’AI COUU VERS LE NIL ».

Vous m’en remercierez, j’en suis convaincu !